Toutes les représentations du monde imaginées par les civilisations anciennes comme la Mésopotamie ou l’Egypte avaient en commun de se limiter à une description des apparences. Elles ne cherchaient pas à découvrir de loi sous-jacente ou à élaborer une explication rationnelle du monde.
Le miracle grec
Cette volonté de dépasser les apparences et de rechercher un ordre dans l’Univers n’apparut qu’au premier millénaire avant notre ère, en Grèce.
Les premières tentatives d’apporter une explication rationnelle au monde furent le fait de philosophes ioniens du VIIe siècle avant notre ère, comme Thalès de Milet, Anaximandre ou Anaximène. Apparurent alors plusieurs systèmes du monde différents, plus fantaisistes les uns que les autres, mais qui avaient l’immense mérite de vouloir expliquer le monde à l’aide de lois naturelles, plutôt qu’en faisant appel à la magie ou aux caprices des dieux.
Un pas en avant fut accompli au VIe siècle avant notre ère par Pythagore et ses disciples, avec une première théorie du mouvement des corps célestes, appelée l’Harmonie des Sphères. Dans cette théorie, la Terre était une sphère placée au centre du monde. Autour d’elle, on trouvait une succession de sphères qui portaient chacune un corps céleste, dans l’ordre : la Lune, Mercure, Vénus, le Soleil, Mars, Jupiter et Saturne. Enfin, la dernière sphère était supposée porter les étoiles fixes.
Ces sphères n’étaient pas figées, mais en rotation. Pour les pythagoriciens, les corps célestes ne se déplaçaient donc pas eux-mêmes, mais étaient simplement entraînés par la rotation de leurs sphères respectives. Évidemment, ce modèle était incapable d’expliquer les irrégularités dans le déplacement des planètes, en particulier le mouvement rétrograde de Mars.
Aristote
L’astronomie grecque fut ensuite dominée par deux personnages, Aristote et Ptolémée, dont les idées – incorrectes – allaient dominer la pensée scientifique pendant presque deux millénaires.
Le personnage clé est Aristote, un philosophe du IVe siècle avant notre ère, qui s’appuya sur les idées de l’un de ses prédécesseurs, Platon. Selon ce dernier, le monde devait avoir une forme sphérique et le mouvement de tout corps céleste devait être circulaire et uniforme, c’est-à-dire à vitesse constante.
Dans le système d’Aristote, comme dans celui de Pythagore, la Terre était immobile au centre du monde et entourée d’une succession de sphères cristallines. Le problème du modèle de Pythagore résidait dans le fait que chaque planète était associée à une seule sphère, ce qui ne pouvait pas expliquer les irrégularités des mouvements apparents.
Aristote surmonta ce problème en créant un système plus complexe contenant 55 sphères emboîtées les unes dans les autres. Chaque planète était alors associée à un groupe de sphères dont les mouvement se superposaient. Le fait de combiner différentes rotations permettait de donner à chaque planète un mouvement complexe qui pouvait être ajusté pour correspondre à celui que l’on observait dans le ciel.
Avec une combinaison de 55 sphères, Aristote arrivait relativement bien à reproduire les mouvements apparents des planètes. Son système avait néanmoins un défaut majeur : il était incapable d’expliquer les variations de luminosité apparente des planètes.
Nous savons aujourd’hui que ces variations sont dues au changement de distance entre la Terre et chaque planète. Mais dans le système d’Aristote les planètes se trouvaient à une distance fixe de la Terre et les modifications d’éclat restaient inexpliquées.
Aristote introduisit aussi un concept plus philosophique qui allait être accepté jusqu’au XVIe siècle : la distinction entre la Terre et les cieux. Pour lui, l’intérieur de l’orbite lunaire, ce qui incluait la Terre et son atmosphère, représentait le règne de l’imperfection et du changement. Au-delà de la Lune, se trouvait le royaume de la perfection et de l’immuabilité.
Ptolémée
Le principal défaut du système d’Aristote était son incapacité à expliquer les variations d’éclat des planètes. Pour cette raison, un astronome d’Alexandrie, Claude Ptolémée, modifia ce système au IIe siècle de notre ère, mais sans remettre en cause les principes posés par Platon et Aristote.
Pour Ptolémée, les corps célestes n’étaient pas liés à des sphères cristallines centrées sur la Terre. En fait, chaque planète se déplaçait sur un petit cercle, appelé épicycle, dont le centre lui-même se déplaçait en suivant un grand cercle centré sur la Terre, appelé déférent.
En ajustant la taille et la position de tous les cercles mis en jeu, Ptolémée obtenait un système capable de reproduire avec précision les mouvements apparents des corps célestes. Il était de plus en mesure d’expliquer les variations d’éclat des planètes, puisque celles-ci voyaient maintenant leur distance à la Terre varier.
Ce double succès explique que le système de Ptolémée, qui améliorait celui d’Aristote dans la forme mais pas l’esprit, fut accepté jusqu’au XVIe siècle.
Héraclide
Malgré la position dominante d’Aristote et de Ptolémée, deux autres philosophes grecs proposèrent des systèmes bien plus proches de la réalité. A l’époque d’Aristote, Héraclide avança que la Terre n’était pas immobile, mais tournait en fait sur elle-même. La rotation apparente de la voûte céleste en 24 heures s’expliquait alors de façon beaucoup plus naturelle. L’explication était la bonne, mais elle ne fut pas acceptée.
Plus tard, pour expliquer les mouvements particuliers de Mercure et de Vénus, qui semblaient osciller autour de Soleil, Héraclide avança que ces deux planètes ne tournaient pas autour de la Terre, mais autour du Soleil. Il obtenait ainsi une description plus proche de la réalité, même s’il pensait que le reste des corps célestes, y compris le Soleil, tournaient encore autour de la Terre.
Aristarque de Samos
Aristarque de Samos alla encore plus loin au IIIe siècle avant notre ère. En appliquant des raisonnements géométriques aux corps célestes, en particulier au moment des éclipses de Lune, ce philosophe grec fut en mesure de déterminer les distances relatives de la Lune et du Soleil. Il mit également en évidence que notre étoile était beaucoup plus grande que la Terre.
Or, Aristarque de Samos avait du mal à se persuader qu’un objet énorme pouvait tourner autour d’un corps beaucoup plus petit. Il rejeta donc le système d’Aristote et en proposa un nouveau dans lequel le Soleil était le véritable centre du monde et où toutes les planètes, sauf la Lune, gravitaient autour de ce centre. Cette description ne fut malheureusement pas acceptée à l’époque.
Mis à jour le 12/04/2024 par Olivier Esslinger