Dès les années 1930, certaines observations ont montré que la matière visible faite d’étoiles, de gaz et de poussières, ne représente qu’une petite fraction de la masse présente dans les galaxies, donc l’Univers.
La courbe de rotation des galaxies spirales
La manifestation la plus apparente de la présence d’une masse cachée se produit lorsque l’on étudie la répartition de la matière au sein d’une galaxie spirale. Il existe en effet un moyen relativement simple de connaître la distribution de masse dans une telle galaxie. Il consiste à étudier soigneusement le mouvement des étoiles et du gaz en son sein.
Rappelons que dans le système solaire, les planètes se déplacent en obéissant aux lois de Kepler. En particulier, la vitesse d’une planète sur son orbite est inversement proportionnelle à sa distance au centre, un résultat qui est vrai dans tout système dominé par un corps central comme le Soleil. Ce principe peut se généraliser à n’importe quel ensemble, en particulier à une galaxie spirale. La façon dont la vitesse des étoiles et du gaz varie avec la distance au centre – la courbe de rotation – peut nous permettre de déterminer la répartition de la masse à l’intérieur de cette galaxie.
Les astronomes pensaient savoir à quoi s’attendre lorsqu’ils commencèrent à appliquer à cette méthode. La vitesse des étoiles et du gaz devait être faible au centre et augmenter avec la distance. En dehors de la galaxie, la courbe de rotation devait s’inverser et la vitesse chuter. En effet, le gaz à l’extérieur de la galaxie peut être considéré comme en orbite autour d’un corps central et devrait donc suivre une loi similaire à celle qui régit la vitesse des planètes du système solaire.
La matière noire dans les galaxies spirales
La difficulté observationnelle majeure résidait dans le fait que la quantité de matière en dehors des limites visibles d’une galaxie est très faible. Il s’agit surtout de gaz hydrogène qui s’étend deux ou trois fois plus loin que les limites visibles de la galaxie. Pour pouvoir étudier ce gaz, il fallut avoir recours, comme dans le cas de l’hydrogène interstellaire, à des observations dans les ondes radio à une longueur d’onde de 21 centimètres. Des observations à l’aide de puissants radiotélescopes commencèrent et les premiers résultats furent publiés à la fin des années 1970.
Les résultats furent surprenants. Les courbes de rotation ne chutaient pas à l’extérieur des galaxies mais restaient obstinément plates. La vitesse du gaz restait constante au lieu de diminuer. Ceci impliquait que la matière des galaxies s’étendait bien au-delà des limites visibles. Chaque galaxie devait être entourée d’un halo de matière invisible, dont la masse devait être plusieurs fois supérieure à celle de la partie visible.
Ces résultats mettaient en évidence que l’essentiel de la masse des galaxies, donc de la matière de l’Univers, nous est invisible, d’où le nom de matière noire.
Ces observations n’étaient qu’une confirmation pour toutes les galaxies d’une anomalie déjà détectée en 1932 par l’astronome néerlandais Jan Oort. Celui-ci avait remarqué que le mouvement des étoiles dans le voisinage de notre Voie Lactée était plus rapide que prévu, et avait donc suggéré la présence d’une grande quantité de matière invisible dans la Galaxie.
La matière noire dans les galaxies elliptiques
Les galaxies spirales ne sont pas les seules à être immergées dans un halo invisible. Comme les galaxies elliptiques ne présentent pas de rotation globale, la méthode ci-dessus ne s’applique pas. Il est cependant possible de s’appuyer sur le mouvement aléatoire des étoiles en leur sein.
Ces mouvements aléatoires nous fournissent un moyen de déterminer la répartition de masse dans l’ensemble. Par exemple, plus une galaxie elliptique est massive, plus sa force de gravité est puissante, donc plus les étoiles doivent bouger vite pour ne pas tomber vers le centre. De façon plus générale, l’étude de l’agitation stellaire en fonction de la distance au centre nous permet de calculer la répartition de matière.
Cette méthode a été appliquée à plusieurs galaxies elliptiques et a montré que la matière était agitée même au-delà de leurs limites visibles, ce qui confirme l’existence d’un halo massif de matière noire autour de ce type de galaxies.
Si de la matière noire est présente autour des galaxies, qu’en est-il de l’espace intergalactique ?
Mis à jour le 12/01/2022 par Olivier Esslinger