L’expansion de l’Univers accélère
L’année 1998 fut l’une des plus importantes dates dans l’histoire de la cosmologie. Deux équipes annoncèrent que l’expansion de l’Univers ne ralentissait pas comme on le pensait jusqu’alors, mais était en fait en pleine accélération. Les deux équipes étaient arrivées à cette conclusion de manière indépendante, en s’appuyant sur l’observation de supernovae de type Ia.
Ce type de supernova est depuis longtemps utilisé pour mesurer les distances dans l’Univers. Les deux équipes observèrent les plus éloignées à l’époque, une cinquantaine au total, principalement grâce à des télescopes terrestres. Ces supernovae se révélèrent moins lumineuses et plus éloignées que ce que l’on pouvait déduire de leur décalage vers le rouge en s’appuyant sur l’hypothèse d’une expansion en train de ralentir. Une analyse plus poussée des résultats montra que la seule explication possible était une accélération de l’expansion.
Les résultats de 1998 furent confirmés quelques années plus tard par plusieurs observations du télescope spatial. En 2001, celui-ci observa par exemple la supernova la plus lointaine connue à l’époque. Là encore, la supernova se révéla légèrement moins brillante que prévu, ce qui ne pouvait s’expliquer que par une expansion accélérée. L’analyse de ce résultat montra que l’expansion de l’Univers était freinée par la gravité pendant les premiers milliards d’années, mais commença à accélérer à une époque située il y a entre 4 et 8 milliards d’années.
Le projet de cartographie WiggleZ Dark Energy Survey
La méthode qui permit de découvrir accélération de l’expansion de l’Univers accélère était basée sur l’observation de supernovae lointaines, mais le phénomène fut reconfirmé en 2011 par deux méthodes indépendantes qui ne font pas appel à ces dernières.
Les données venaient du projet de cartographie WiggleZ Dark Energy Survey, qui en quatre ans avait observé 240.000 galaxies. Les observations avaient été menées avec le spectographe AAOmega de l’AAT (Anglo-Australian Telescope), un télescope de 3.9 mètres de diamètre à l’observatoire de Siding Springs en Australie.
Deux études différentes ont été menées sur ces données. La première a analysé la distribution des galaxies dans l’espace, en particulier la façon dont la densité de matière varie sur différentes échelles de distance. La deuxième s’est plutôt portée sur l’évolution dans le temps de la distribution des galaxies, par exemple la vitesse à laquelle les amas de galaxies se sont formés. Ces méthodes différentes ont toutes les deux confirmé que l’expansion de l’Univers accélère.
L’énergie noire
L’accélération de l’expansion a été interprétée comme la présence d’une force répulsive à grande échelle capable de surmonter la force gravitationnelle qui lie les différents constituants de l’Univers. La nature de cette force reste pour l’instant mystérieuse et on lui a donné le nom d’énergie noire.
En 2003, les observations du rayonnement fossile par le satellite WMAP ont donné une mesure très précise de la composition de l’Univers : 4,6 pour cent de matière ordinaire, 23 pour cent de matière noire exotique et 73 pour cent d’énergie noire.
La constante cosmologique d’Einstein
L’une des explications possibles de la force répulsive qui accélère l’expansion, et qui semble privilégiée par les observations du satellite WMAP, fait appel au concept de constante cosmologique.
Au début de ce siècle, après avoir mis au point sa théorie de la relativité générale, Albert Einstein l’appliqua à l’étude de l’Univers dans son ensemble. A sa grande surprise, il réalisa que dans leur forme initiale les équations de la nouvelle théorie ne permettaient pas à l’Univers d’être statique et invariable dans le temps. Elles ne pouvaient s’accommoder que d’un Univers en expansion ou en contraction. Or, la vision d’un Univers statique était partagée par tous à cette époque.
Einstein, plutôt que d’accepter le nouveau résultat, décida donc de modifier légèrement les équations de la relativité générale en y introduisant un terme supplémentaire appelé la constante cosmologique et noté Λ. Physiquement, ce terme s’interprétait comme une nouvelle force qui tendait à faire se repousser les corps les uns les autres. Einstein régla la constante de façon à ce que cette force de répulsion contrebalance exactement la gravitation. Il obtenait ainsi un Univers statique et invariable dans le temps. Bien sûr, une dizaine d’années plus tard, les observations d’Edwin Hubble montrèrent que l’Univers n’était pas statique mais en expansion et la constante cosmologique perdit sa raison d’être.
La constante cosmologique comme énergie noire
La constante cosmologique fit un retour en force avec la découverte de l’accélération de l’expansion. En effet, cette constante pourrait influencer l’évolution de l’Univers et engendrer des comportements très divers selon sa valeur. L’un des cas les plus intéressants est celui d’une constante cosmologique légèrement supérieure à la valeur initialement utilisée par Einstein. Dans ce cas, l’Univers serait né dans le Big Bang et aurait suivi une expansion ralentie par la gravité, mais l’effet de cette dernière aurait finalement été surmonté par une force de répulsion à grande échelle et l’Univers serait entré dans une phase d’expansion accélérée.
Ce cas de figure correspond bien aux observations actuelles et le concept de constante cosmologique est donc revenu sur le devant de la scène, même s’il n’apporte guère de réponse quant à la nature physique de l’énergie noire. Les observations de WMAP ont en particulier montré que l’énergie noire s’apparentait plus à une constante cosmologique qu’à certaines autres hypothèses avancées pour expliquer l’énergie noire.
Mis à jour le 12/04/2024 par Olivier Esslinger