Les aventures de l’atterrisseur Philae
La star du début de la mission Rosetta a été l’atterrisseur Philae dont les exploits ont enflammé l’imagination. Philae a été largué par la sonde Rosetta le 12 novembre 2014 à 08:35 (GMT) depuis une vingtaine de kilomètres d’altitude. Après une descente de sept heures, Philae a touché la surface de la comète 67P à 15:34 (d’après les données du magnétomètre ROMAP).
A ce stade, l’ESA avait prévu plusieurs dispositifs pour empêcher l’atterrisseur de rebondir : deux harpons, des vis dans les pieds et un système de propulsion qui devait plaquer Philae au sol. Malheureusement il semble qu’aucun de ces dispositifs n’ait fonctionné correctement, l’atterrisseur a donc rebondi, à une vitesse de 38 centimètres par seconde. Du fait de la faible gravité de la comète, il a réussi à atteindre une altitude d’environ un kilomètre avant de retomber.
A 16:20, l’un des pieds de Philae a probablement heurté un point élevé de la surface, peut-être le bord d’un cratère. Ensuite, Philae a de nouveau touché la surface à 17:25, avec un pied puis trois, avant de rebondir à trois centimètres par seconde pour voler pendant quelques minutes et finir par se poser pour de bon à 17:31.
La position finale de Philae
Les instruments scientifiques de Philae étaient en parfait état de marche, mais la position finale de l’atterrisseur, penché sur le côté, un pied dans l’air, presque continuellement dans l’ombre d’une paroi rocheuse, n’était pas idéale. Incapable d’utiliser ses panneaux solaires pour recharger sa batterie secondaire, Philae allait être limité par l’énergie disponible dans sa batterie principale, environ 64 heures de fonctionnement, avant d’entrer en hibernation le 15 novembre à 00:36 GMT.
Les observations de Philae
A la surface de 67P, Philae a utilisé le peu de temps à sa disposition pour essayer d’atteindre les objectifs prévus pour sa première séquence d’activité.
Les multiples caméras de l’instrument ÇIVA et la caméra ROLIS placée sous l’atterrisseur ont pris de multiples images.
Les capteurs thermiques de MUPUS ont mesuré une température de -153 puis de -163 degrés. Le pénétrateur du système MUPUS a tenté de percer la surface de la comète et n’a pu pénétrer que de quelques millimètres, ce qui indique que la surface est aussi dure que de la glace (sous une couche de 10 à 20 centimètres de poussières). Cette solidité a été confirmée lors d’un sondage du sol par l’expérience SESAME.
L’instrument COSAC a détecté des molécules organiques flottant près de la surface de la comète, mais les détails ne sont pas encore publiés. Il devait également analyser un échantillon du sol fourni par la foreuse SD2, malheureusement il semblerait qu’aucun échantillon n’ait atteint l’instrument.
Le spectromètre de masse PTOLEMY, qui n’a pas reçu d’échantillon du sol de la foreuse SD2 par manque de temps, a probablement aussi détecté les molécules flottant près de la surface.
Enfin, l’instrument radar CONSERT a travaillé en conjonction avec Rosetta comme prévu. Lorsque la sonde se trouvait à l’opposé de Philae, elle lui envoyait un signal radio de 90 Mhz à travers le noyau cométaire. L’atterrisseur renvoyait alors un nouveau signal et l’analyse de la propagation de ces signaux permettra de comprendre la structure interne du noyau cométaire. Ces données ont également été utilisées pour essayer de calculer la position finale de Philae sur la comète.
Les molécules de la chevelure de 67P
L’excitation autour de l’atterrissage de Philae aurait presque fait oublier que la moisson scientifique de cette mission viendra surtout de la sonde Rosetta elle-même, en commençant par les magnifiques images de la caméra de navigation et des deux caméras du système Osiris.
En dehors des images de la comète, l’un des premiers résultats scientifiques de Rosetta provient de mesures par l’instrument ROSINA après son arrivée en août. ROSINA est composé de deux spectromètres de masse et de deux jauges de pression et ses objectifs sont d’étudier les gaz et ions de la chevelure cométaire. L’instrument a ainsi pu détecter les molécules principales : l’eau, les monoxyde/dioxyde de carbone, l’ammoniac, le méthane, le méthanol (CH3OH), mais aussi les molécules plus raréfiées comme le formaldéhyde (CH2O), le sulfure d’hydrogène (H2S), le cyanure d’hydrogène (HCN), le dioxyde de soufre (SO2) et le sulfure de carbone (CS2).
La proportion de deutérium de 67P
Mais le résultat le plus attendu de ces premiers mois était la mesure de la proportion de deutérium (un isotope de l’hydrogène dont le noyau est formé d’un proton et d’un neutron) par rapport à l’hydrogène normal (qui ne contient qu’un seul proton). Le rapport deutérium/hydrogène mesuré dans la vapeur d’eau autour de 67P est trois fois plus grand que la proportion mesurée sur Terre.
La valeur de ce rapport est importante, car elle nous aide à mieux comprendre d’où vient l’eau de nos océans. En effet, la Terre primordiale était trop chaude après sa formation pour conserver son eau. Il est donc possible que l’eau de nos océans ait été apportée par des comètes. Mais, à part pour la comète 103P/Hartley étudiée en 2011 par l’observatoire Herschel, les mesures de la proportion de deutérium sur une dizaine de comètes ont révélé des valeurs plus grandes que dans nos océans et la mesure pour 67P est encore plus élevée.
Si ces mesures sont représentatives de la population totale, elle suggère que les comètes ne sont pas la principale source de l’eau de nos océans et peut-être faut-il chercher un complément dans une autre catégorie de corps dont le rapport deutérium/hydrogène est plus proche du nôtre : les astéroïdes.
Mis à jour le 15/10/2024 par Olivier Esslinger