Les théories de grande unification

La théorie électrofaible et la chromodynamique quantique traitent de la matière dans des conditions que nous pouvons reproduire sur Terre dans les accélérateurs de particules. Mais les premiers instants de l’Univers sont marqués par des températures et des densités bien au-delà de nos possibilités. Seule une approche théorique peut donc nous aider à comprendre comment particules et forces se comportaient juste après le Big Bang.

Les théories de grande unification

La théorie et l’expérience ont montré que lorsque l’énergie des particules atteint un certain seuil, les interactions électromagnétique et faible se confondent pour n’être plus qu’une : l’interaction électrofaible. De la même façon, on peut envisager que si l’on continue à augmenter l’énergie des particules, il arrive probablement un moment où la force nucléaire forte vient s’unir à l’interaction électrofaible. Ceci devrait se produire lorsque l’énergie atteint un niveau équivalent à une température de l’ordre de dix milliards de milliards de milliards de degrés (1028, soit un 1 suivi de 28 zéros).

Depuis les années 1970, plusieurs théories dites de grande unification ont essayé de donner une description unifiée de la force électromagnétique et des forces nucléaires faible et forte. Ces théories sont cependant très difficiles à départager ou à confirmer expérimentalement, car il n’existe pas d’accélérateur suffisamment puissant pour les tester. Même le LHC (Large Hadron Collider) ne peut atteindre qu’une énergie équivalente à 1600 milliards de degrés en créant des collisions entre noyaux de plomb, ce qui est très loin du compte pour ce type d’investigation.

Un exemple de théorie de grande unification

En guise d’exemple, nous pouvons considérer la théorie de grande unification proposée en 1974 par les physiciens Howard Georgi and Sheldon Glashow et parfois désignée sous le nom de SU(5). D’après cette théorie, en plus des bosons de jauge déjà connus, le photon, les trois bosons vecteurs intermédiaires et les huit gluons, il doit exister huit autres bosons que les théoriciens ont baptisés les bosons X.

Ces huit nouveaux porteurs se distinguent par leur capacité à lier quarks et leptons. D’après la théorie, en effet, l’échange d’un de ces nouveaux bosons serait capable de transformer un quark en lepton et vice-versa, ce qui n’est possible avec aucun des autres bosons. Un exemple typique de conséquence serait la désintégration d’un proton pour donner un positron (un antiélectron donc un lepton) et un pion (un méson formé de deux quarks de première génération), le pion se transformant immédiatement en deux photons.

La durée de vie du proton

La possibilité de transformation des quarks en leptons est l’une des conséquences les plus intéressantes de cette théorie car elle implique que le proton n’est pas éternel, un effet qui pourrait être détecté par l’expérience. Un proton n’est pour simplifier qu’un amas de trois quarks et il suffirait en principe que l’un de ces quarks se transforme en lepton pour que l’amas se désintègre. Dans sa version originale, la théorie SU(5) pouvait donc prédire la durée de vie du proton (sa demi-vie pour être plus précis) et le résultat était d’environ 1031 années (1 suivi de 31 zéros).

Les résultats expérimentaux n’ont malheureusement pas confirmé cette valeur, ni même observé la désintégration du proton. D’après la détecteur Super-Kamiokande au Japon, le proton a une durée de vie, si elle est finie, d’au moins 1033 années. La théorie SU(5) dans sa forme originale n’est donc pas confirmée par l’expérience.

De façon plus générale, et pour les raisons de limitations expérimentales évoquées plus haut, aucune des théories de grande unification n’a pour l’instant été confirmée et le concept de grande unification n’est lui-même pas prouvé. Ce qui n’empêche pas les théoriciens de s’attaquer à un problème encore plus difficile : une théorie du Tout.


Mis à jour le 13 octobre 2019 par Olivier Esslinger