Avec la découverte des galaxies actives et des quasars, un défi était posé aux astrophysiciens. Il leur fallait, pour comprendre les différents types de galaxies actives, imaginer une source d’énergie capable de fournir la puissance d’un millier de galaxies tout en étant localisée dans un espace à peine plus grand que le système solaire.
Trou noir supermassif et disque d’accrétion
Deux idées furent avancées mais rapidement rejetées : les collisions entre galaxies, qui n’auraient pas produit suffisamment d’énergie, et les explosions en chaîne de supernovae, qui auraient dû se produire en quantités inimaginables.
Ce fut finalement le Britannique Donald Lynden-Bell qui proposa en 1968 l’idée à la base de l’explication moderne. D’après lui, la source d’énergie des galaxies actives devait être un trou noir supermassif, une version gigantesque des trous noirs résultant de la mort d’une étoile massive. Au lieu d’avoir à peine quelques masses solaires, les trous noirs supermassifs peuvent contenir des millions ou des milliards de masses solaires et ont une taille qui peut atteindre plusieurs fois la distance entre la Terre et le Soleil.
Évidemment, par définition, la luminosité du noyau d’une galaxie active ou d’un quasar ne provient pas du trou noir supermassif lui-même. C’est l’action de ce dernier sur la matière environnante qui en est à l’origine. En effet, dans le modèle unifié des galaxies actives, le trou noir est entouré d’un disque d’accrétion dont la taille est de l’ordre de la centaine de fois la distance Terre-Soleil.
Des phénomènes visqueux ont pour conséquence la chute progressive de la matière du disque dans le trou noir. Dans ce processus, le gaz transforme son énergie gravitationnelle en énergie thermique, ce qui entraîne une forte augmentation de la température du disque. Pour cette raison, ce dernier va se mettre à produire un rayonnement thermique continu très puissant, en particulier dans l’ultraviolet et les rayons X. Le processus est similaire dans le principe à l’effondrement d’un nuage moléculaire qui s’échauffe en se contractant.
Cette façon de produire de l’énergie est bien plus efficace que les réactions nucléaires qui alimentent les étoiles, c’est la raison pour laquelle les noyaux actifs peuvent briller comme plusieurs galaxies. Mais comment explique-t-on les différents types de galaxies observés ? Il s’agit simplement d’une conséquence de la présence d’une ceinture opaque autour du trou noir et de la position de la Terre par rapport à cette ceinture.
Une épaisse ceinture de gaz et de poussières
Le disque d’accrétion est entouré par une région dans laquelle se trouvent de nombreux nuages de gaz. Ces nuages sont en orbite autour du centre et tournent très rapidement. Les raies sont soumises par effet Doppler à un décalage qui dépend de la vitesse. Lorsque l’on analyse la lumière de l’ensemble des nuages, le spectre final est la superposition de nombreuses raies fines, décalées les unes par rapport aux autres, ce qui se traduit par un élargissement. Ce sont ces raies d’émission larges que l’on observe dans les galaxies de Seyfert de type 1.
Entourant la zone des nuages rapides, mais localisée dans le plan du disque d’accrétion, se trouve une ceinture de gaz et de poussières très épaisse, avec un diamètre estimé à environ dix mille fois la distance Terre-Soleil. Cette ceinture est opaque à la lumière visible ou ultraviolette. Elle empêche le rayonnement du disque d’accrétion et celui des nuages rapides de se propager dans le plan du système. C’est cette ceinture opaque qui en bloquant la lumière dans certaines directions est à l’origine des différentes classes de galaxies actives.
Les régions qui se trouvent dans les directions perpendiculaires au plan du disque ne sont pas affectées par la ceinture. Elles sont peuplées de nuages de gaz qui orbitent autour du trou noir à une distance de l’ordre de la centaine d’années-lumière. Ces nuages sont éloignés donc relativement lents. L’effet Doppler est faible et leurs raies d’émission restent très fines.
Enfin, dans ces mêmes régions, apparaissent les jets de matière. Il s’agit de particules très énergétiques provenant de régions proches du trou noir, qui s’échappent le long de l’axe de rotation du système. Elles donnent naissance à des jets très fins qui peuvent atteindre des longueurs extraordinaires, parfois plus d’un million d’années-lumière. Ces particules hautement énergétiques sont à l’origine du rayonnement synchrotron radio de certaines galaxies actives.
La position de la Terre et le type de galaxie active
Lorsqu’un observateur terrestre se trouve dans le plan de la ceinture de gaz et de poussières, il ne peut pas voir le rayonnement des parties centrales. Le noyau est donc invisible et seuls apparaissent les jets de particules énergétiques et l’émission synchrotron associée : l’observateur voit une radiogalaxie.
Au contraire, si l’observateur se trouve dans la direction de l’axe de rotation, il voit une source quasi-ponctuelle et des jets de matière parallèles à la ligne de visée : c’est un blazar.
Dans la situation intermédiaire, l’observateur aperçoit à la fois la partie centrale et les jets. Il s’agit alors d’un quasar ou d’une galaxie de Seyfert. La différence entre ces deux types est une question de puissance. Les galaxies de Seyfert sont probablement des versions modérées des quasars, avec une production d’énergie cent fois plus faible.
Le modèle unifié explique également la distinction entre les deux types de galaxies de Seyfert. Pour le type 1, la Terre se trouve près de la direction perpendiculaire au plan du système, ce qui nous permet de voir directement le noyau et tous les nuages qui l’entourent. Pour le type 2, la Terre se trouve près du plan et nous ne pouvons observer que les nuages lents à l’extérieur de la ceinture. La différence dans l’éclat du noyau vient donc simplement du fait que celui-ci est soit visible, soit caché.
Quant à l’aspect du spectre, il est également facile à comprendre. Pour les galaxies de type 1, nous voyons tous les nuages, rapides ou lents, donc à la fois des raies fines et larges. Pour les galaxies de type 2, nous ne pouvons observer que les nuages externes, ceux qui tournent lentement et dont les raies sont plus fines.
Mis à jour le 12/04/2024 par Olivier Esslinger