Si les propriétés mathématiques d’un trou noir supermassif sont bien connues puisqu’elles obéissent aux lois de la relativité générale, l’étude de ces corps dans leur environnement galactique à partir de données observationnelles est un domaine de recherche récent.
Caractéristiques des trous noirs supermassifs
L’observation du ciel a montré qu’un trou noir supermassif règne au centre de la plupart des galaxies, qu’elles soient naines ou géantes. Certains sont très actifs, par exemple au sein des quasars, d’autres beaucoup plus tranquilles, comme notre trou noir supermassif local, Sagittarius A*. Le niveau d’activité dépend simplement de la quantité de matière que le trou noir est capable d’attirer vers lui pour former un disque d’accrétion.
La masse des trous noirs supermassifs connus (en 2016) varie entre 50.000 masses solaires pour le trou noir au centre de la galaxie naine RGG 118 jusqu’à 40 milliards de masses solaires pour le trou noir au centre de la galaxie S5 0014+81. Comme référence, Sagittarius A* se trouve entre les deux avec quatre millions de masses solaires.
Contrairement à leurs cousins d’origine stellaire, les trous noirs supermassifs n’ont pas besoin de conditions extrêmes pour naître.
La relativité générale montre que le rayon de Schwarzschild d’un trou noir est proportionnel à sa masse, donc que le volume d’un trou noir est proportionnel au cube de sa masse. On peut donc dire – de façon quelque peu artificielle de par la nature du corps en question – que la densité moyenne d’un trou noir (sa masse divisée par son volume) est inversement proportionnelle au carré de la masse : plus la masse d’un trou noir est grande, plus sa densité est faible.
On montre par exemple que la densité moyenne de Sagittarius A* n’est que de mille fois la densité de l’eau et que le trou noir de la galaxie NGC1600, avec ses 17 milliards de masses solaires, n’atteint qu’un pour cent de la densité de notre atmosphère au niveau de la mer. A comparer aux densités extrêmes requises lors de la naissance d’un trou noir stellaire !
Remarquons aussi que le rayon de Schwarzschild d’un trou noir supermassif est si grand qu’un astronaute pourrait traverser l’horizon des événements sans être transformé en spaghettis.
L’origine des trous noirs supermassifs
Deux scénarios théoriques de base ont été formulés pour expliquer la formation des trous noirs supermassifs.
On peut d’abord imaginer que le point de départ est un trou noir d’origine stellaire qui se forme de manière traditionnelle dans l’explosion d’une supernova. Avec au départ entre une dizaine et une centaine de fois la masse du Soleil, ce trou noir va peu à peu absorber le gaz qui l’entoure ainsi que d’autres étoiles ou cadavres stellaires et va peu à peu grandir pour atteindre une taille gigantesque.
Une variation sur ce thème est l’effondrement gravitationnel d’un amas suffisamment concentré d’étoiles massives ou de cadavres stellaires suivi par un accroissement de masse sur le même principe.
Le deuxième scénario consiste à envisager que la formation d’un trou noir supermassif commence avec l’effondrement gravitationnelle d’un nuage de gaz, qui est possible avant même la formation de la moindre étoile. On aurait alors affaire à trou noir de masse intermédiaire, typiquement entre 100.000 et un million de masses solaires, qui va continuer à grandir en aspirant la matière environnante (et peut-être en fusionnant avec d’autres trous noirs de masse intermédiaire).
Des observations récentes ont montré que des trous noirs supermassifs de milliards de masses solaires existaient déjà lorsque l’Univers était âgé de moins d’un milliard d’années. On citera par exemple le trou noir SDSS J0100+2802 découvert en 2014 avec 12 milliards de masses solaires et observé à une époque où l’Univers n’était âgé que d’environ 900 millions d’années.
Ces observations privilégient le deuxième scénario car calculs et simulations montrent qu’une augmentation de masse par accrétion à partir d’un trou noir d’origine stellaire n’est pas suffisamment rapide pour donner naissance aux plus grands trous noirs supermassifs en moins d’un milliard d’années. Le scénario privilégié à l’heure actuelle est donc l’effondrement direct d’un gigantesque nuage de gaz en un trou noir de masse intermédiaire.
Ce scénario pourrait avoir été confirmé en 2016 avec l’identification de deux précurseurs de trous noirs supermassifs. Les objets 29323 et 14800 du catalogue d’objets lointains CANDELS ont tous les deux environ 100.000 masses solaires, ont été observés à une époque où l’Univers avait moins d’un milliard d’années et présentent les caractéristiques de précurseurs de trous noirs supermassifs. La nature de ces objets reste cependant à confirmer avec plus d’observations.
Les trous noirs supermassifs et leur galaxie hôte
Des corrélations entre la masse d’un trou noir supermassif et plusieurs propriétés de la galaxie qui l’héberge ont été mises en évidence. La relation la plus précise, la fameuse loi M-sigma, découverte en 1999, est une corrélation presque parfaite entre la masse du trou noir supermassif central et la dispersion des vitesses des étoiles du bulbe de la galaxie (uniquement le bulbe pour les spirales ou toute la galaxie pour les elliptiques).
Cette découverte a pris le monde scientifique par surprise. En effet, un trou noir central typique ne contient qu’un millième de la masse du bulbe de la galaxie et son influence gravitationnelle sur l’ensemble des étoiles est complètement négligeable – la gravitation d’une galaxie n’est pas dominée par son corps central.
Ces corrélations sont encore relativement empiriques et ont besoin d’explications théoriques, mais elles indiquent une connexion claire entre le trou noir et la galaxie. Les corrélations sont même présentes pour des galaxies qui ont fusionné, un processus très disruptif, ce qui montre que cette connexion n’existe pas simplement lors de la formation des galaxies, mais qu’elle persiste de façon durable et peut rétablir un équilibre dans la galaxie après un cataclysme.
Plusieurs explications ont été proposées, qui font appel à différents mécanismes d’interaction possibles entre le trou noir, le disque d’accrétion, la pression de radiation provenant du disque, les jets relativistes, le gaz du bulbe et le reste de la galaxie. Ces diverses explications ne sont pas encore départagées par les observations ou confirmées dans leurs détails.
Quoi qu’il en soit, l’étude de la formation des trous noirs supermassifs et de l’interaction avec leur galaxie hôte est un domaine très actif et l’on peut s’attendre à des réponses à ces questions, en particulier avec la mise en route prochaine de télescopes qui permettront de mieux étudier l’Univers lointain, comme par exemple le James Webb Space Telescope de la NASA et le futur European Extremely Large Telescope de l’ESO.
Mis à jour le 13/10/2019 par Olivier Esslinger