L’apparition de la vie sur Terre

Le site volcanique de Dallol
Le site volcanique de Dallol au nord de l’Ethiopie. Avec ses températures très élevées, parfois plus de 100 degrés, une salinité et une acidité très fortes, et une grande concentration de souffre et de minéraux, ce site pourrait donner une bonne représentation de notre planète quelques centaines de millions d’années après sa formation. Copyright : A. Savin/Wikimedia Commons

L’élément de base de tout être vivant est une entité microscopique appelée la cellule. Un être humain en contient à peu près dix mille milliards. Chacune de ces cellules est une sorte d’usine vivante assurant plusieurs fonctions : absorber des éléments nutritifs, grandir, se débarrasser de ses déchets et se reproduire.

L’ADN

Chaque cellule possède un centre de contrôle constitué par un ou plusieurs chromosomes. Les bactéries par exemple ne possèdent qu’un chromosome alors que les humains en possèdent 46. Ces chromosomes sont les acteurs clefs de la reproduction. Ils permettent à une cellule de se diviser pour donner naissance à deux cellules génétiquement identiques à l’originale.

En 1953, Francis Crick et James Watson révélèrent que les chromosomes sont de gigantesques molécules formées de deux brins complémentaires. Ces deux brins sont enlacés l’un autour de l’autre pour former la célèbre structure en double hélice. La découverte de cette molécule, l’acide désoxyribonucléique ou ADN, allait révolutionner la biochimie et la médecine.

Les nucléotides

L’unité de base d’un brin d’ADN est appelée un nucléotide. Il s’agit de l’association d’une base azotée, d’une molécule de sucre et d’une molécule de phosphate. Chaque nucléotide d’un brin est lié à un nucléotide de l’autre brin et c’est l’enchaînement de ces paires qui crée l’enlacement caractéristique de la double hélice.

Il existe quatre types de bases azotées : l’adénine (A), la guanine (G), la cytosine (C) et la thymine (T), mais seules deux associations en paires sont possibles : A-T ou G-C. Ainsi, par cette complémentarité très simple, la séquence des nucléotides sur l’un des brins de la molécule d’ADN permet de déterminer directement la succession des nucléotides sur l’autre brin.

Cette complémentarité est à la base de la propriété d’autoréplication de l’ADN. Les deux brins peuvent se séparer assez facilement car leur lien repose sur une liaison chimique relativement faible. A ce stade, apparaissent alors deux bases de données distinctes mais portant la même information de façon complémentaire. Il reste alors à recréer deux véritables molécules d’ADN : chaque brin puise des nucléotides dans le milieu environnant et les positionne dans le bon ordre pour recréer son complémentaire. On se retrouve ainsi avec deux molécules d’ADN identiques à l’originale qui deviendront les chromosomes de deux nouvelles cellules.

Les protéines

Les protéines sont à la fois les briques et les ouvrières des cellules. Elles s’organisent pour créer la structure des cellules, régulent leur fonctionnement et assurent la mise en oeuvre de leur rôle dans l’organisme.

Une protéine est une large molécule composée d’un certain nombre d’unités appelées les acides aminés. La nature des acides aminés d’une protéine et l’ordre dans lequel ils sont arrangés sont directement déterminés par l’ADN présent dans le chromosome de la cellule. En effet, en regroupant les nucléotides par triplets et en combinant la valeur de leur base azotée (A, G, C, T), on crée une sorte d’alphabet qui relie les nucléotides sur un brin d’ADN aux acides aminés dans la protéine qu’il produit.

L’ARN

Le processus qui permet de passer de l’ADN aux acides aminés et aux protéines met en jeu un nouvel acteur : l’acide ribonucléique ou ARN. Il s’agit d’une molécule similaire à l’ADN mais qui ne comporte qu’un seul brin. Lors de la synthèse des protéines, l’étape fondamentale qui transforme l’information contenue dans l’ADN en son expression tangible, une protéine, c’est l’ARN qui assure les fonctions clefs.

Dans un premier temps, une molécule d’ARN est créée par transcription d’un brin d’ADN dans un processus similaire à la construction de la double hélice. La molécule d’ARN possède alors toute l’information requise pour créer une protéine. Son travail consiste ensuite à collecter des acides aminés libres, à les transporter et à les assembler dans l’ordre correct pour former une nouvelle protéine.

Tout ce mécanisme est extraordinaire et une question se pose immédiatement : comment est-il apparu sur Terre ?

Le monde de l’ARN

Le scientifique qui étudie comment les deux mécanismes de base de la vie, l’autoréplication de l’ADN et la synthèse des protéines, se sont mis en place se trouve vite confronté à une impasse. Lors de la synthèse des protéines, l’ARN ne peut pas accomplir sa tâche tout seul, mais doit faire appel à un type de protéines appelées les enzymes. Ainsi, pour répliquer un acide nucléique (une chaîne de nucléotides), il faut des enzymes, c’est à dire des protéines, mais pour créer une protéine, il faut un plan, donc un acide nucléique. La situation devient donc rapidement un casse-tête : qui est apparu en premier ?

L’hypothèse dominante dans la recherche des origines de la vie a d’abord été l’apparition des protéines à partir de la matière inerte. En effet, la synthèse de protéines à partir d’éléments non organiques semble relativement facile et des essais ont été accomplis avec succès. Cependant cette hypothèse souffre d’un grave défaut : les protéines ne se répliquent pas et l’information n’a pas de moyen de se transmettre d’une génération à la suivante. Ce défaut a conduit à abandonner l’idée d’une origine protéinique de la vie.

Ce sont donc les acides nucléiques qui ont gagné la faveur générale. Non pas l’ADN, malgré son rôle central aujourd’hui, mais son cousin l’ARN. En effet, si la vie a commencé avec des acides nucléiques, ceux-ci devaient à l’origine être en mesure de se répliquer sans l’aide de protéines. Ce problème semblait insurmontable jusqu’à ce que l’on découvre que dans certaines circonstances une section de brin d’ARN pouvait se détacher et se comporter comme une enzyme, donc servir d’aide à la réplication de la molécule principale. La vie a donc peut-être trouvé son origine dans un monde où la molécule d’ARN jouait à la fois son rôle actuel mais aussi celui d’enzyme : le monde de l’ARN.

L’ARN en quatre étapes

Si la vie fut d’abord basée sur l’ARN avant de l’être sur l’ADN, encore faut-il expliquer comment l’ARN fit son apparition. Or ce dernier est déjà un système très complexe et doit donc descendre de molécules plus simples également capables d’autoréplication. Il est raisonnable de considérer que ces molécules étaient elles-mêmes déjà formées de nucléotides et la question se pose donc de la formation de chaînes de nucléotides à partir des ingrédients initialement présents sur Terre.

La première étape dans ce processus est la création des composants d’un nucléotide : le ribose (un sucre) et les bases azotées. Ceci apparaît difficile mais réalisable : certaines bases azotées, mais pas toutes, sont faciles à générer et le ribose est également aisé à produire, mais en quantité limitée car les réactions chimiques en jeu produisent surtout d’autres sucres. Une difficulté supplémentaire vient du fait que les conditions nécessaires à la formation des deux types de molécules semblent s’exclure mutuellement. Cette difficulté peut néanmoins être surmontée si les sucres sont produits dans l’atmosphère ou à la surface des océans et si les bases azotées le sont dans les profondeurs des océans ou lors d’impacts de comètes riches en précurseurs des bases azotées.

La deuxième étape est l’association de ces molécules de base pour former des nucléotides. Il s’agit là du point le moins bien compris dans toute la description. En effet, les essais en laboratoires produisent bien des nucléotides, mais en quantité trop faible et insuffisante pour permettre au processus de continuer.

La troisième étape est le regroupement de nucléotides isolés pour former des chaînes d’acides nucléiques. Celui-ci ne pose pas de problème majeur puisque des expériences en laboratoire simulant des conditions réelles ont permis de créer des chaînes contenant jusqu’à quinze nucléotides. Mais quelques objections persistent néanmoins. Par exemple, la concentration en nucléotides était-elle suffisante pour permettre au processus de se dérouler, pourquoi des réactions concurrentes n’ont-elles pas pris le dessus, qu’est ce qui a empêché la croissance des acides nucléiques d’être stoppée par des molécules fatales au processus ?

La quatrième étape est l’autoréplication des acides nucléiques. Les expériences en laboratoire ont depuis longtemps montré qu’on pouvait facilement répliquer des chaînes d’acides nucléiques à l’aide de simples nucléotides. Le problème est à nouveau d’expliquer pourquoi la croissance n’a pas été interrompue par des molécules parasites, ce qui peut par exemple s’expliquer si la création d’une chaîne est en fait le résultat d’un processus plus complexe avec rejet des molécules non appropriées.

Les protéines

Une fois créée, la molécule d’ARN va peu à peu s’améliorer avec le temps. En effet, lors de la réplication, toutes sortes d’erreurs de copies peuvent se produire. Celles-ci sont généralement néfastes, mais elles peuvent de temps en temps se révéler positives et améliorer le message génétique si elles apportent à la molécule des atouts dans sa lutte quotidienne pour survivre.

Les molécules d’ARN deviennent donc petit à petit plus complexes et plus performantes. Finalement, certaines deviennent capables de lier les acides aminés présents dans l’environnement pour former des protéines et ces dernières prennent le dessus dans la fonction d’aide à la réplication.


Mis à jour le 22 août 2020 par Olivier Esslinger