Albert Einstein n’était pas totalement satisfait de la relativité restreinte car elle ne traitait pas de l’accélération et ne pouvait pas s’accommoder avec la loi de la gravitation universelle telle qu’Isaac Newton l’avait posée. Il se mit donc au travail et aboutit après 10 ans d’efforts à une théorie plus complète et à une nouvelle interprétation de la gravité : la théorie de la relativité générale.
Le principe d’équivalence
Le point de départ de la théorie est illustré par l’expérience suivante. Imaginez deux personnes qui se trouvent enfermées dans deux cabines identiques. L’une se trouve à la surface de la Terre, l’autre est accrochée à une fusée en accélération dans l’espace. Ces deux observateurs se livrent alors à une petite expérience : ils lâchent une pomme.
Le premier voit simplement sa pomme tomber, donc accélérer, sous l’effet de la gravité. La deuxième cabine n’est pas soumise à la gravité, mais elle est accélérée vers le haut par la fusée. La pomme, qui vient d’être lâchée, ne suit pas le mouvement de la cabine. Relativement à cette dernière, elle semble donc accélérer vers le bas et tomber. Si la puissance de la fusée est bien choisie, la pomme va tomber exactement comme elle le ferait sur Terre. Les deux observateurs sont alors dans l’incapacité de dire dans quelle cabine ils se trouvent.
Les deux expériences précédentes se déroulent de manière totalement identique. Les lois de la mécanique sont donc les mêmes dans un système soumis à la gravité et dans un système accéléré. Einstein généralisa cette idée à toutes les lois de la physique et lui donna le nom de principe d’équivalence. Ceci fut le point de départ de sa nouvelle théorie qui allait révolutionner la physique et tout particulièrement l’astrophysique.
La matière ralentit le temps
Deux conséquences de la relativité générale découlent immédiatement du principe d’équivalence. D’abord, le fait que la matière ralentisse le temps. Imaginez l’expérience suivante. Vous vous trouvez au sommet d’une fusée en pleine accélération. Au bas de la fusée se trouve une horloge qui émet un signal lumineux toutes les secondes. Vous observez cette horloge et essayez de mesurer l’intervalle séparant deux signaux.
Entre l’émission de la lumière et son arrivée à votre oeil, la vitesse de la fusée augmente puisque celle-ci accélère. Le sommet a donc tendance à fuir devant les rayons lumineux et à retarder le moment du contact. En conséquence, les rayons lumineux n’arrivent pas à votre oeil toutes les secondes, mais à un rythme légèrement plus faible. Vous observez que le temps indiqué par cette horloge s’écoule plus lentement que celui de la montre à votre poignet.
Mais, d’après le principe d’équivalence, le même phénomène se produit si l’on considère un bâtiment à la surface de la Terre au lieu d’une fusée en accélération. En conséquence, le temps doit s’écouler plus lentement à la base d’un immeuble qu’à son sommet. Les habitants du rez-de-chaussée vieillissent un peu moins vite que ceux du dernier étage. Un effet étonnant mais vérifié par l’expérience. N’allez pas pour autant déménager de suite, la gravité de la Terre est très faible, ce qui rend cet effet complètement négligeable. La différence ne sera que d’une minuscule fraction de seconde sur toute une vie.
Remarquons encore que contrairement à la dilatation du temps en relativité restreinte, le ralentissement du temps par la gravité n’est pas réciproque. En effet, si vous êtes au pied de la fusée et observez une horloge au sommet, l’accélération vous précipite vers les rayons lumineux. La durée de leur trajet est plus courte et le temps paraît s’écouler plus vite au sommet. En revenant au cas de l’immeuble à la surface de la Terre, c’est toujours encore à la base que le temps s’écoule plus lentement.
La matière dévie la lumière
La deuxième conséquence immédiate de la relativité générale est l’influence de la gravité sur la lumière. Imaginez-vous à nouveau dans la fusée en accélération. Cette fois-ci, vous allumez une torche lumineuse et vous la braquez perpendiculairement à la direction du mouvement. Les photons qui quittent la torche ne sont plus liés ni à la lampe, ni à la fusée. L’accélération induit donc un léger décalage entre la hauteur de la torche et le point où les rayons lumineux atteignent la paroi de la fusée. La lumière ne se déplace plus en ligne droite mais est légèrement déviée vers le bas dans la fusée.
Or, d’après le principe d’équivalence, la situation est la même dans un champ de gravité : en présence d’une masse, un rayon lumineux est dévié. Cela signifie que si vous allumez une lampe sur Terre, la lumière ne se propagera pas exactement en ligne droite, mais suivra une trajectoire légèrement courbe du fait de la gravité de notre planète. L’effet sera évidemment très faible et passera inaperçu, mais, pour des champs gravitationnels plus forts, il sera tout à fait appréciable et donnera lieu à la plus célèbre vérification de la relativité générale.
La courbure de l’espace-temps
En développant ses idées sur les conséquences du principe d’équivalence, Einstein aboutit à une nouvelle vision de la gravitation qui devait remplacer celle d’Isaac Newton : la relativité générale. L’aspect le plus important de cette théorie est la disparition du concept de force de gravitation.
Pour Einstein, le mouvement d’un corps n’est pas déterminé par des forces, mais par la configuration de l’espace-temps. Par exemple, d’après Newton la Terre tourne autour du Soleil car celui-ci exerce une force gravitationnelle sur notre planète. Pour Einstein, c’est une perturbation de l’espace-temps introduite par la masse du Soleil qui est à l’origine du mouvement de la Terre.
Pour mieux comprendre cette idée, faisons appel à une analogie à deux dimensions. L’espace, en relativité générale, peut être comparé à une sorte de tissu élastique. La présence d’une étoile peut être simulée en posant une pierre sur ce tissu. Celle-ci s’enfonce dans le tissu, le déforme et y crée une dépression.
Que se passe-t-il lorsqu’un corps plus petit passe à proximité de l’étoile ? Faisons rouler une bille sur le tissu : la trajectoire est d’abord une simple ligne droite, mais lorsque la bille passe à proximité de la pierre, elle pénètre légèrement dans la dépression. Elle est alors déviée de sa ligne droite et sa trajectoire se courbe. Sur ce tissu élastique, le mouvement de la bille n’est pas dicté par une force mais par la forme de l’espace ou plus précisément, par la courbure de celui-ci.
La relativité générale
La relativité générale abandonne la notion de force et la remplace par le concept de courbure de l’espace-temps. Les corps célestes adoptent des trajectoires aussi droites que possibles, mais ils doivent se soumettre à la configuration de l’espace-temps. Loin de toute distribution de matière, la courbure de l’espace-temps est nulle et toutes les trajectoires sont des lignes droites. Près d’un corps massif comme le Soleil, l’espace-temps est déformé et les corps se déplacent sur des lignes courbes.
Pour être complète, la théorie de la relativité générale doit également donner un moyen de calculer la courbure de l’espace-temps créée par une distribution de masse. Elle le fait par l’intermédiaire d’un système très complexe de formules mathématiques, les équations d’Einstein, qui relient courbure de l’espace-temps et distribution de masse. Ce système est si complexe qu’il n’a été résolu que dans quelques cas de figure très simples, par exemple autour d’une étoile isolée.
La vision du monde d’Albert Einstein est donc très différente de celle proposée par Isaac Newton. Néanmoins, la plupart du temps les deux théories donnent des résultats pratiquement identiques. Les divergences n’apparaissent que dans des conditions extrêmes, soit pour des corps se déplaçant à une vitesse proche de celle de la lumière, soit pour des corps qui engendrent des champs de gravité très puissants. Ce qui n’est pas le cas sur Terre dans la vie de tous les jours. C’est pourquoi les automobilistes et les piétons vieillissent au même rythme, ainsi que les habitants du rez-de-chaussée et du dernier étage d’un immeuble.
Mis à jour le 12/04/2024 par Olivier Esslinger