La nature des nébuleuses

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En 2011, le télescope spatial pointe vers l’étoile V1 dans la galaxie d’Andromède, la première céphéide dont Edwin Hubble fut en mesure de déterminer la distance en 1923. Crédit : NASA/ESA/Hubble Heritage Team (STScI/AURA)

L’observation des nébuleuses

Grâce aux progrès constants dans les moyens d’observation du ciel, les astronomes du XVIIIe siècle se rendirent compte qu’il existait de nombreux objets diffus qu’ils baptisèrent du nom de nébuleuse. A cette époque, l’astronome français Charles Messier établit une liste d’une centaine de ces objets. Il leur donna les noms bien connus de nos jour comme par exemple M31 pour la galaxie d’Andromède.

Au XIXe siècle, William Herschel et son fils établirent une liste de plus de 5000 objets qui devint plus tard le fameux Nouveau Catalogue Général, dans lequel la même galaxie d’Andromède se nomme NGC 224.

Nous savons de nos jours que ces nébuleuses ne sont pas toutes des objets de même nature. On trouve ainsi de simples amas d’étoiles ou bien des nuages de gaz, mais aussi des objets extérieurs à la Galaxie. Ce sont ces derniers qui posèrent le plus de difficultés aux astronomes et qui nous intéressent ici.

Le philosophe allemand Emmanuel Kant, qui fut l’un des premiers à réaliser la véritable nature de la Voie Lactée, avança en 1755 que ces nébuleuses étranges étaient d’énormes regroupements d’étoiles, de nature semblable à la Galaxie et situés bien au-delà des limites de cette dernière. Il les appela des univers-îles.

En 1845, Lord Rosse commença l’étude de ces nébuleuses à l’aide du télescope de 1,80 mètre qu’il venait juste d’achever en Irlande. Il fut alors en mesure d’observer dans certaines d’entre elles une structure spirale très nette et en déduisit que ces objets étaient des systèmes d’étoiles à part entière, distincts de la Voie Lactée.

Le grand débat entre Harlow Shapley et Heber Curtis

Au début du XXe siècle, la communauté astronomique était divisée en deux camps, pour ou contre l’hypothèse des univers-îles. En 1920 eut lieu un célèbre débat à Washington, où s’affrontèrent les champions de ces deux camps.

D’un côté, on trouvait Harlow Shapley qui avançait que la Galaxie était énorme, d’un diamètre de 300.000 années-lumière, et pensait que les nébuleuses spirales étaient des objets gazeux contenus dans notre Galaxie même.

En effet, les mesures de distance de l’époque indiquaient que les Nuages de Magellan se trouvaient aux limites de la Galaxie et en faisaient donc encore partie. Nous savons aujourd’hui que leur distance est en fait deux fois plus grande, mais étant donné l’incertitude des mesures de l’époque le doute était permis.

Dans l’autre camp, le chef de file était Heber Curtis, qui ne croyait pas à la description de la Voie Lactée par Harlow Shapley et remettait en cause la méthode des céphéides. Il pensait que la Galaxie était relativement petite, avec un diamètre d’environ 30.000 années-lumière et que les nébuleuses étaient d’autres galaxies situées loin de la nôtre.

Curtis s’appuyait en particulier sur l’observation d’explosions de supernovae dans ces galaxies. Ces observations montraient que les nébuleuses étaient effectivement formées d’étoiles, mais aussi qu’elles étaient très lointaines étant donné la faible luminosité apparente des supernovae.

Mais le débat de 1920 ne régla rien, aucun des participants n’étant en mesure d’apporter un argument vraiment déterminant.

Edwin Hubble

En 1917 fut inauguré le télescope de 2,50 mètres du mont Wilson en Californie. Avec cet instrument, Edwin Hubble se mit à étudier la nébuleuse d’Andromède et en particulier ses parties externes en 1923. Ses plaques photographiques faisaient apparaître des myriades d’étoiles très faibles là où ses prédécesseurs n’avaient vu que des taches diffuses. La nébuleuse était enfin résolue en ses constituants et allait révéler sa vraie nature.

Hubble examina un grand nombre de plaques et découvrit peu à peu douze céphéides qui lui permettaient d’utiliser la méthode de calcul de distance d’Harlow Shapley. Pour chaque céphéide, il mesura la période et la luminosité apparente, calcula la luminosité absolue à partir de la période, et détermina ainsi la distance. Il estima en 1924 que la nébuleuse d’Andromède se situait à 900.000 années-lumière de nous, clairement au-delà des limites de la Galaxie.

Nous savons aujourd’hui, que la valeur réelle est de deux millions d’années-lumière, la différence étant due au fait qu’il existe deux types de céphéides dont les propriétés sont légèrement différentes. Le résultat de Hubble était néanmoins correct, il prouvait que les nébuleuses étaient bien des ensembles d’étoiles à part, d’autres galaxies semblables à la Voie Lactée.


Mis à jour le 24/08/2023 par Olivier Esslinger