Les lentilles gravitationnelles

Hubble smiley
Le télescope spatial Hubble photographie un smiley cosmique : les yeux du smiley sont les galaxies SDSSCGB 8842.3 et SDSSCGB 8842.4, la bouche et le contour du visage des arcs gravitationnels qui proviennent de galaxies plus lointaines. Crédit : NASA/ESA

D’après la relativité générale, une distribution de masse dévie les rayons lumineux qui passent à proximité. Dans le cas d’une étoile, les effets restent limités car la masse en jeu est relativement faible. Mais les effets peuvent devenir importants et visibles si la masse qui perturbe la lumière est très grande, par exemple dans le cas d’une galaxie ou d’un amas de galaxies.

Les lentilles gravitationnelles

Imaginons qu’une galaxie proche et un quasar lointain se trouvent par hasard alignés sur une même ligne de visée dans la même direction du ciel. La lumière qui nous provient du quasar est alors fortement déviée lors de son passage près de la galaxie. Ainsi, les rayons lumineux du quasar qui passent légèrement au-dessus de la galaxie sont déviés vers le bas et donnent lieu à une image du quasar décalée vers le haut. Par contre, les rayons lumineux qui passent sous la galaxie sont déviés vers le haut et donnent naissance à une image du quasar décalée vers le bas.

De cette façon, la galaxie proche, en perturbant la propagation de la lumière du quasar, donne naissance à plusieurs images de celui-ci. Le nombre total d’images est déterminé par la forme de la galaxie et la précision de l’alignement. Parfois, lorsque l’alignement entre les deux corps est parfait, l’image de l’objet lointain peut prendre la forme d’un anneau lumineux entourant l’image de l’objet proche.

En plus de multiplier les images du quasar, la galaxie va également concentrer ses rayons lumineux et donc produire des images plus brillantes. Un effet qui est loin d’être négligeable pour l’astronome qui essaye d’observer des corps très peu lumineux.

B1938+666
Un anneau d’Einstein dans le système B1938+666. L’image du haut a été prise dans l’infrarouge par le télescope spatial. Le point lumineux au centre est la galaxie relativement proche qui provoque l’effet de lentille gravitationnelle. L’anneau tout autour est une image déformée d’une galaxie plus lointaine. L’anneau n’est pas complet car les deux galaxies ne sont pas parfaitement alignées. L’image du bas est le même objet observé dans le domaine radio par le réseau de 6 radiotélescopes MERLIN en Grande-Bretagne. Sur cette image, on aperçoit très bien l’anneau, mais la galaxie proche n’est pas visible car elle n’émet pas dans le domaine radio. Crédit : MERLIN/PPARC/NASA/STScI

Le quasar Q0956+561

Cette conséquence de la relativité générale fut prévue par Albert Einstein lui-même en 1915 et le terme de lentille gravitationnelle fut utilisé pour la première fois par le physicien britannique Oliver Lodge en 1919. L’idée que les amas de galaxies puissent agir comme des lentilles gravitationnelles fut proposée en 1937 par l’astronome suisse Fritz Zwicky.

Néanmoins, il fallut attendre 1979 pour que le premier exemple réel soit observé. Cette année-là, les astronomes découvrirent deux quasars très proches dans le ciel. Après analyse, les spectres des deux objets se révélèrent pratiquement identiques depuis les ondes radio jusqu’aux rayons X. Il ne pouvait s’agir que de deux images d’un seul et même quasar, plus tard baptisé Q0956+561. Des observations ultérieures le confirmèrent et montrèrent que la lentille gravitationnelle était dans ce cas constituée par une galaxie elliptique géante quatre fois plus proche de nous que le quasar. Depuis cette époque, de nombreuses images multiples de quasars ont été découvertes.

Un amas et un arc gravitationnel
Une belle image de l’amas de galaxies RCS2 032727-132623 entouré d’un arc gravitationnel prise par le télescope spatial Hubble. L’amas de galaxie se trouve à cinq milliards d’années-lumière de nous. L’arc gravitationnel provient de la lumière d’une galaxie qui se trouve derrière l’amas à dix milliards d’années-lumière de nous. Crédit : NASA/ESA/J. Rigby/K. Sharon/M. Gladders/E. Wuyts

Les arcs gravitationnels

Lorsque l’objet le plus éloigné est ponctuel, c’est une simple multiplication des images qui se produit. Lorsque l’objet est étendu, par exemple une galaxie lointaine, les images sont en plus déformées et ressemblent à des arcs lumineux. De nombreux cas de ce genre ont été observés, contenant parfois quelques arcs, parfois plusieurs dizaines.

En 1995, par exemple, le télescope spatial révéla l’exemple très impressionnant de l’amas de galaxies Abel 2218 qui produit des images multiples de toute une population de galaxies lointaines et donne naissance à plus de 120 arcs lumineux.

Abell 2218
Une vue de l’amas de galaxies Abell 2218 à environ 2 milliards d’années-lumière dans la constellation du dragon. Les traînées en forme d’arcs sont des illusions optiques créées par le champ gravitationnel de l’amas qui dévie la lumière de galaxies encore beaucoup plus lointaines. Crédit : NASA/STScI

Mis à jour le 11 septembre 2023 par Olivier Esslinger